Cet article s’adresse aux thérapeutes manuels et aux patients qui souhaitent mieux comprendre, prendre en charge et conseiller leurs patients souffrant de douleurs fessière et à toute personne recherchant des solutions pour améliorer leur propre état de santé.
Nous allons (re)visiter un mythe de la thérapie manuelle : le syndrome du piriforme.
Ça, c’est l’une des choses que j’ai appris à l’école ; et en discutant avec de nombreux confrères et consoeurs ostéos et kinés, je constate que c’est encore la pensée dominante.
La raison qui me pousse à écrire cet article, c’est à nouveau la distance qui existe entre la théorie enseignée et la réalité de la pratique clinique. Autrement dit, ce sont les “claques” prises en cabinet. J’espère que ce partage vous permettra de gagner du temps et d’en faire gagner.
Sauf que… j’ai essayé les différentes méthodes de traitement de ce syndrome du piriforme : étirement, massage, ponçage etc… et malheureusement, globalement, ça ne fonctionnait pas bien et les promesses de simplicité et d’efficacité n’étaient pas au rendez-vous.
Je me retrouvais dans une situation classique : je ne comprenais pas pourquoi ce que je faisais fonctionnait, ou ne fonctionnait pas. Bref, j’étais dans le noir. J’ai regroupé dans ce billet de vlog les différentes sources qui m’ont permis de mettre de la clarté dans ‘tout ça”.
Parmi elles, un bon nombre se plaint de douleurs dans la fesse, avec parfois des irradiations dans la cuisse faisant penser à une sciatique.
CE QUE J’AI APPRIS DURANT MES ETUDES – ET VOUS ?
soit il n’y avait pas de signe neurologique et/ou d’imagerie et alors il fallait s’orienter vers une détente/décompression du piriforme.
ET DANS L’HISTOIRE ?
Et encore avant, que disait la science ? Il y a des traces d’études datant de début 1900, où des cliniciens recevaient des patients avec des douleurs dans la fesse sans pour autant arriver à mettre en évidence une pathologie en lien direct avec le nerf sciatique. Ne trouvant pas d’origines claires, ils ont commencé à réfléchir à d’autres zones étiologiques.
Les 23 femmes étaient des femmes au foyer.
Tous ces patients étaient admis au Royal Bath Hospital (Harrogate, Angleterre), avec un diagnostic de sciatique. Une radio des articulations sacro-iliaques et lombo-sacrées a été réalisée sur tous les patients. Dans toutes les radios, la hanche était incluse et, dans la plupart, certaines ou toutes les vertèbres lombaires étaient montrées.
Apparence normale : 24
Ce stade avancé peut provoquer une réaction inflammatoire touchant le ligament sacro-iliaque antérieur, le muscle piriforme et son fascia, ainsi que les premières et deuxièmes racines sacrées qui innervent la région fessière. On peut dire que ça ressemble au syndrome du piriforme, non ?
A ce stade de mes recherches, il devenait évident qu’il y avait une problématique nosologique : différents courants thérapeutiques parlaient de quelque chose qui ressemblait à… tout en étant différent et avec son propre vocabulaire ! Et si j’ai bien compris une chose depuis que je me forme et travaille en réseau, c’est l’importance de la CIP (collaboration interprofessionnelle).
ET AUJOURD’HUI, QUEL EST LE STATUT DE LA SCIENCE ?
Pour faire l’éclairage sur ce topic, je me suis inspiré d’une vidéo du SAV des ostéo où Mathieu Schlachet -Directeur du CFPCO – interviewe Laurent Fabre, Ostéopathe DO, expert dans la prise en charge des douleurs neuropathiques en thérapies manuelles, ainsi que d’une bibliographie accessible en fin d’article.
Avançons…
Pour rappel, un syndrome est un ensemble de signes cliniques pouvant évoquer une maladie.
A date, le syndrome du piriforme est officiellement :
Il s’intègre dans le cadre nosologique (un ensemble de signes permettant de classifier) des syndromes fessiers profonds et inclut les muscles pelvi-trochantériens et toutes les anomalies vasculaires ou lésions qui peuvent occuper cet espace.
Il y a 4 signes signes cliniques permettant de le reconnaître (qui se sont construits au fil du temps avec l’expérience) :
reproduction de douleur par compression sur contraction des muscles pelvi trochantériens ou par étirement de ces muscles.
Cette classification à été faite à partir de la dissection de la région fessière de 120 cas et révèle six combinaisons possibles :
Nerf non divisé au-dessus du muscle : hypothétique (fig g) |
De nos jours, avec les moyens technologiques à notre disposition et les nouvelles connaissances en neurophysiologie, ce discours est contestable.
POURQUOI NE POUVONS NOUS PAS VALIDER CE SYNDROME ?
Sur des études in vivo de personnes présentant ou non ce syndrome, et après visualisation sous IRM du passage du nerf sciatique à travers le piriforme, nous constatons qu’il n’y a aucune corrélation entre le passage du nerf et le syndrome.
Il n’y a pas de corrélation entre les anomalies anatomiques et la supposition de la théorie du syndrome. Les patients présentant les critères cliniques du syndrome du fessier profond ou syndrome du piriforme ont souvent des causes dites secondaires. En médecine, “cause secondaire” est souvent synonyme de cause grave; ici on parle notamment d’abcès dans la région, de tumeurs, d’hématome, qui ne sont pas des causes traitables en thérapie manuelle.
VIGILANCE AVEC LES SYNDROMES CANALAIRES ET AU SUR-DIAGNOSTIC
Et concernant le nerf sciatique, si vous avez la chance de faire des dissections un jour (ou simplement que vous observez cela sur une vidéo), vous verrez que le muscle piriforme est bien plus fin que le nerf qui le traverse, ce dernier étant protégé par une couche de graisse conséquente. Il est donc peu probable qu’à lui seul, le piriforme arrive à générer une compression ischémiante du nerf sciatique.
En conclusion :
Je sais que la plupart d’entre vous souhaite connaître les solutions thérapeutiques et ce qui marche en cabinet. Mais l’idée est de D’ABORD savoir établir un diagnostic puis ensuite de proposer un traitement. Les solutions thérapeutiques seront abordées dans un 2ème billet de vlog.
Ce syndrome s’est donc construit depuis le début du 20ème siècle, sur des suppositions biomécaniques centrées sur les tissus, avec les connaissances de l’époque et en n’ayant pas le recul nécessaire sur le fonctionnement des muscles par rapport au système nerveux.
Nous avons peu d’études probantes validant ou réfutant ce syndrome.
Les anomalies anatomiques sont retrouvées autant sur des patients présentant un syndrome du piriforme que sur des patients n’en présentant pas. Nous ne pouvons pas affirmer que le muscle piriforme est engagé dans l’étiologie de la douleur.
…et qu’il n’y a pas de modulation de la symptomatologie, il faut penser à une cause secondaire (plus grave et donc aux drapeaux rouges) et référer en consultation médicale plutôt que de débuter un traitement manuel.
Cela pourrait s’appliquer à tous les syndromes canalaires, car il y a énormément de localisations anatomiques où les muscles sont traversés par des nerfs et des vaisseaux ; cela est complètement normal. En effet, cette proximité neuro-musculo-vasculaire répond à des fonctions physiologiques nécessaires de protection et de trophicité (nourrissage des structures).
Vous pourrez retrouver l’interview de Laurent Fabre, ainsi que d’autres vidéos sur le même thème sur la Playlist Youtube ainsi que les références, à partir desquelles j’ai écrit cet article.
Si tout ce qui tourne autour des neurosciences vous intéresse n’hésitez pas à regarder les formations et vidéos de techniques et cours magistraux du CFPCO.
Yeoman W. The relation of arthritis of the sacroiliac joint to sciatica. Lancet 1928;1119–22.
Beaton L, Anson B. The sciatic nerve and the piriformis muscle: their interrelation a possible cause of coccygodynia. J Bone Joint Surg 1938;20: 686–8.
Hopayian K, Danielyan A. Four symptoms define the piriformis syndrome: an updated systematic review of its clinical features. Eur J Orthop Surg Traumatol. 2018 Feb;28(2):155-164. doi: 10.1007/s00590-017-2031-8. Epub 2017 Aug 23. PMID: 28836092.
Vassalou EE, Katonis P, Karantanas AH. Piriformis muscle syndrome: A cross-sectional imaging study in 116 patients and evaluation of therapeutic outcome. Eur Radiol. 2018 Feb;28(2):447-458. doi: 10.1007/s00330-017-4982-x. Epub 2017 Aug 7. PMID: 28786005.
Bartret AL, Beaulieu CF, Lutz AM. Is it painful to be different? Sciatic nerve anatomical variants on MRI and their relationship to piriformis syndrome. Eur Radiol. 2018 Nov;28(11):4681-4686. doi: 10.1007/s00330-018-5447-6. Epub 2018 Apr 30. PMID: 29713768.
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.
Merci pour cet article Tiago, hâte de lire la suite !