Les voies de la douleur n’existent pas !

Accueil Blog

Les voies de la douleur n’existent pas !

Bonjour à tous, je suis ostéopathe et j’ai récemment découvert une vidéo qui m’a beaucoup aidé à gérer des situations inconfortables, voire difficiles, au cabinet.

En réalité, quand je l’ai écoutée, elle m’a choqué ! Le sujet va à l’encontre de la pensée collective ; en effet, les patients consultent majoritairement pour des douleurs, et là, j’apprends que finalement, les voies de la douleur n’existeraient pas !

Si elles n’existent pas, qu’avons nous à la place ?
En quoi est-ce utile dans la pratique clinique ?

  • Les enseignements dispensés ont été très utiles pour améliorer tous les temps de ma prise en charge, de l’anamnèse au traitement.

Voici la retranscription adaptée de cette vidéo, où Laurent Fabre, DO et expert reconnu en neurosciences appliquées à la prise en charge de la douleur est interviewé par Mathieu Schlachet, DO :

Donc, les voies de la douleur n’existent pas !

  • On peut dire que les voies de la douleur n’existent pas, puisqu’il n’y a pas de récepteur spécifique à la douleur.

Dire qu’il y a un message douloureux, ou un organe spécifique pour la douleur ou des voies spécifiques de la douleur, c’est comme dire que l’amour vient des testicules. 

Lorsque nous tombons amoureux, de nombreuses aires du cerveau travaillent ensemble afin de produire de la dopamine, de l’ocytocine, de l’adrénaline, de la vasopressine, nous rendant euphoriques… C’est un ensemble d’éléments interconnectés qui aboutissent à ce sentiment appelé l’amour. C’est une émergence complexe, non linéaire.

Si ces voies n’existent pas, qu’est-ce que nous avons ? 

  • Nous avons un système de détection de menaces avec des récepteurs différents qui vont réagir à des stimulations différentes. 

Si je te pince, tu as mal. Si je te pince une nouvelle fois avec la même force, la douleur que tu vas ressentir sera augmentée. Ton système nerveux s’est mis en état d’alerte, de protection contre mon agression.

Que se passe-t-il si je me pince ?

  • Tu auras moins mal, car ton cerveau va juger que ce n’est pas cohérent que tu te blesses volontairement et va plutôt se dire que tu es juste en train de te toucher.

Vous pouvez tous faire cette expérience, c’est hallucinant ! Tout est donc question de perceptions et d’interprétations de ces perceptions.

Oui mais concrètement que se passe-t-il?

Le mécanisme en jeu s’appelle LA NOCICEPTION : c’est un processus neural d’encodage d’un stimulus nociceptif.

  • Le stimulus nociceptif, qui peut être mécanique (piqûre, pincement, coupure), chimique (inflammation), thermique (brûlure), va être détecté par des récepteurs.
  • Ces récepteurs sont des nocicepteurs ou des terminaisons nerveuses libres.
  • Ce stimulus va être traduit ou transduit en influx électrique, puis va cheminer le long du nerf périphérique jusqu’à la corne postérieure de la moelle.
  • L’influx électrique va être relayé et modulé au niveau de la première synapse de la corne postérieure de la moelle. Le message douloureux va être amplifié ou atténué en fonction de nos attitudes, de nos croyances, de nos peurs, de notre environnement etc…
  • Puis il va cheminer le long du deuxième neurone pour faire synapse avec un troisième neurone au niveau du thalamus.

Le troisième neurone se répartit dans différentes aires corticales afin que cet influx électrique soit perçu en message conscient douloureux.

En résumé, il y a donc une remontée d’information, puis intégration et traitement de l’information. Et si cela est cohérent ou/nécessaire, alors, la réponse descendante sera une douleur.

Devant une perception de menace, la douleur est l’une des réponses les plus cohérentes. 

Donc pas de voie, ni de récepteur, ni d’organe de la douleur mais plutôt un contexte, une émotion, une croyance…

Si on te pince par surprise cela sera peut être un peu plus douloureux. Peut-être que si celui qui te pince est costaud et paraît dangereux, la douleur que tu vas ressentir sera plus intense. Peut-être que si j’arrive avec une grosse pince ou si mes ongles sont pointus, ou que tu penses qu’ils ont été trempés dans du poison, alors tu auras plus mal. 

Donc oui, on ne peut JAMAIS s’abstraire du contexte.

Et si je pense que tu es un bon thérapeute ? 

Alors là, forcément tu n’auras pas mal. Ou moins mal… 

A quoi cela va servir pour nos patients, pour nos confrères, thérapeutes manuels, soignants et  thérapeutes de façon générale, de savoir qu’il n’y a pas de voie de la douleur ? 

  • Cela va permettre au thérapeute de ne pas penser que la douleur vient uniquement des tissus. Il faut bien comprendre que la nociception est un processus neural d’encodage d’un stimulus nociceptif, qui part d’un nocicepteur ou une terminaison nerveuse libre et va subir une modulation en fonction d’un contexte, d’une émotion, d’une croyance, d’un environnement etc.) qui va soit amplifier, soit diminuer le message douloureux. 

Il faut donc séparer la nociception et la douleur. 

  • Ce n’est pas parce que nous avons mal, qu’il y a de la nociception dans les tissus. 

Ce n’est pas parce qu’il y a de la nociception dans les tissus, que nous avons mal.

En résumé :

  • Lorsqu’un patient arrive au cabinet avec un mal de dos et que nous lui disons qu’il a une L5 à droite, un bassin tordu et une jambe trop courte, il repartira avec encore plus de problèmes.
  • Son mal de dos n’est peut être pas un problème “structurel”.

Il faut être conscient que nous avons un humain en face de nous, qu’il a des croyances, un contexte, des émotions, une histoire, des attentes et que tout cela est plus important qu’une histoire de ”tissus”.

Il faut donc être VIGILANT :

  • Le discours que vous utilisez pour expliquer au patient ce que vous allez faire ou ce qu’il a : si vous tenez un discours de causalité linéaire ou “tissulaire”, c’est un déni de la réalité neurobio-environnementale.
  • Je ne dis plus jamais : ceci est “bloqué”
  • “Je” vais  “corriger” cela

Les croyances du patients pourront contribuer à ralentir ou accélérer la guérison. L’interroger et l’écouter sur sa compréhension de la situation est fondamental.

Cette interview est un focus instantané sur une petite partie d’un grand puzzle. Mais avec les puzzles, il faut bien commencer, peu importe la pièce. Déjà avec cette réflexion, vous pouvez améliorer de nombreux aspects de la relation et du traitement avec vos patients, et donc la qualité de la prise en charge. 

Vous pourrez retrouver l’interview de Laurent Fabre par Mathieu Schlachet,  à partir de laquelle j’ai écrit cet article, ainsi que d’autres vidéos sur le même thème dans la playlist Youtube OstéoNeuro et la VOD Neurosciences de la douleur, soit 22 vidéos de cours magistral sur le sujet par Laurent sur le site du CFPCO. 

Et vous, croyez-vous qu’il existe des voies de la douleur ?

Merci de nous partager dans les commentaires comment vous avez réussi à implémenter ces informations dans votre pratique clinique.

Post a Comment

1111